Délices & Des mots

 

La cuisine et la gastronomie procurent d'indicibles moments de partage et de convivialité. La haute gastronomie génère souvent de vives émotions toujours accompagnées de mots forts et sincères. La cuisine sait également susciter l'envie par la magie des mots choisis pour évoquer la carte d' un grand chef , ses composants  ou encore les saveurs proposées comme par exemple "Le régal de l'escargot" illustrant une simple feuille de salade. La poésie du langage participe pleinement à l'envie de déguster et attise cette dernère.

Partons en quête de délices et de mots !

"Si vous n'êtes pas capables d'un peu de sorcellerie, ce n'est pas la peine de vous mêler de cuisine..."

 

Colette

Artiste, écrivaine, Romancière (1873 - 1954)

Début des opérations

Mars 2024

En cours de

Mise en ligne

 

 

Interview

 

 

 

Une empreinte indélébile

sur la gastronomie

 

Un menu validé

par la rédaction

 

Les Prunes

Alphonse Daudet

 

Si vous voulez savoir comment
Nous nous aimâmes pour des prunes,
Je vous le dirai doucement,
Si vous voulez savoir comment.
L’amour vient toujours en dormant,
Chez les bruns comme chez les brunes ;

En quelques mots voici comment
Nous nous aimâmes pour des prunes.

 

II

 

Mon oncle avait un grand verger
Et moi j’avais une cousine ;
Nous nous aimions sans y songer,
Mon oncle avait un grand verger.
Les oiseaux venaient y manger,
Le printemps faisait leur cuisine ;
Mon oncle avait un grand verger
Et moi j’avais une cousine.

 

III

 

Un matin nous nous promenions
Dans le verger, avec Mariette :

Tout gentils, tout frais, tout mignons,
Un matin nous nous promenions.
Les cigales et les grillons
Nous fredonnaient une ariette :
Un matin nous nous promenions
Dans le verger avec Mariette.

 

IV

 

De tous côtés, d’ici, de là,
Les oiseaux chantaient dans les branches,
En si bémol, en ut, en la,
De tous côtés, d’ici, de là.
Les prés en habit de gala
Étaient pleins de fleurettes blanches.
De tous côtés, d’ici, de là,
Les oiseaux chantaient dans les branches.

 

V

 

Fraîche sous son petit bonnet,
Belle à ravir, et point coquette,
Ma cousine se démenait,
Fraîche sous son petit bonnet.
Elle sautait, allait, venait,
Comme un volant sur la raquette :
Fraîche sous son petit bonnet,
Belle à ravir et point coquette.

 

VI

 

Arrivée au fond du verger,
Ma cousine lorgne les prunes ;

Et la gourmande en veut manger,
Arrivée au fond du verger.
L’arbre est bas ; sans se déranger
Elle en fait tomber quelques-unes :
Arrivée au fond du verger,
Ma cousine lorgne les prunes.

 

VII

 

Elle en prend une, elle la mord,
Et, me l’offrant : « Tiens !… » me dit-elle.
Mon pauvre cœur battait bien fort !
Elle en prend une, elle la mord.
Ses petites dents sur le bord
Avaient fait des points de dentelle…
Elle en prend une, elle la mord,
Et, me l’offrant : « Tiens !… » me dit-elle.

 

VIII

 

Ce fut tout, mais ce fut assez ;
Ce seul fruit disait bien des choses
(Si j’avais su ce que je sais !…)
Ce fut tout, mais ce fut assez.
Je mordis, comme vous pensez,
Sur la trace des lèvres roses :
Ce fut tout, mais ce fut assez ;
Ce seul fruit disait bien des choses.

 

IX

 

À MES LECTRICES.

 

Oui, mesdames, voilà comment
Nous nous aimâmes pour des prunes :

N’allez pas l’entendre autrement ;
Oui, mesdames, voilà comment.
Si parmi vous, pourtant, d’aucunes
Le comprenaient différemment,
Ma foi, tant pis ! voilà comment
Nous nous aimâmes pour des prunes.

 

Les Amoureuses, 1858